Le Choeur d’Ali Aarrass

Depuis une lutte en acte

« Le théâtre devait remplacer les grèves de la faim que menait Ali. C’était une manière de reprendre le pouvoir sur le récit, de ne pas le déléguer aux médias dominants, et de renforcer nos mobilisations à travers le rendez-vous de la répétition. »
— Julie Jaroszewski, entretien avec Olivier Neveux, Théâtre/Public, n°239, 2020, p. 96.

En 2015, alors qu’Ali Aarrass entame une grève de la faim de soixante-douze jours pour dénoncer les tortures subies en détention, Julie Jaroszewski et la cinéaste Pauline Fonsny lancent un appel à travers un ciné-tract : une allégorie du Chœur et de la voix en soutien à Ali.
Ali Aarrass est un ancien prisonnier belgo-marocain, né à Melilla, condamné au Maroc pour terrorisme sur base d’aveux obtenus sous la torture. Malgré une reconnaissance par l’ONU et des ONG internationales, la Belgique ne lui a apporté aucune protection diplomatique durant ses douze années de détention.

Des femmes répondent à l’appel du ciné-tract. Elles se retrouvent chaque dimanche pour chanter et réfléchir collectivement dans les locaux de l’association Égalité, fondée par Farida Aarrass, sœur d’Ali.

Ce repli vers le théâtre s’impose « au moment où nous ne pouvions plus poursuivre notre action militante de manière classique ». Le spectacle naît d’une promesse : celle de prendre le relais. « Les répétitions étaient devenues un nouvel espace de mobilisation échappant à la décorporéalisation induite par le numérique. »

Le Chœur se compose de comédiennes professionnelles, de militantes, d’amatrices. Toutes les femmes peuvent le rejoindre jusqu’à la fin des répétitions. Une première forme est présentée au Festival Game Ovaire. En 2019, une version longue voit le jour au Théâtre National de Bruxelles, dans le cadre du Festival des Libertés. La dramaturgie articule quatre strates : une fable portée par Nadège Ouedraogo, une farce sur les pouvoirs coloniaux, les témoignages de Farida Aarrass, et les lettres de prison d’Ali, lues par l’avocate Anne-Marie Loop.

Une scène d’ouverture de la forme finale expose le témoignage d’Ali Aarrass sur les tortures qu’il a subies.

Julie Jaroszewski revendique une filiation brechtienne, une dramaturgie épique, une rupture assumée avec l’illusion naturaliste. Le théâtre n’est pas ici un lieu de résolution, mais un lieu d’exposition. « Ce que je souhaite, c’est la libération d’une colère politique et la possibilité à se penser acteurs et actrices. Le théâtre est une tranchée sur le champ de bataille du monde. »

Ce geste artistique s’accompagne de deux documentaires radiophoniques financés par le FACR (Fonds d’aide à la création radiophonique) :

  • Ali Aarrass, c’est mon frère (2019), co-écrit avec Pauline Fonsny, retraçant la lutte du comité Free Ali à travers les voix de ses proches.
  • Le Chœur d’Ali Aarrass (2021), réalisé à partir d’un voyage documentaire à Melilla, ville natale d’Ali, interrogeant l’héritage colonial, la frontière et l’effacement.

Le Chœur d’Ali Aarrass déploie une lecture matérialiste et décoloniale de l’affaire Ali Aarrass, redonnant de l’amplitude à un récit trop souvent réduit à un fait divers.
« Jouer à raconter l’affaire Aarrass depuis Melilla, c’est interroger les causes historiques plutôt que de se contenter d’un larmoiement humanitaire. »


Réception critique et entretiens

Revue & presse spécialisée

  • Julie Jaroszewski, entretien avec Olivier Neveux, Théâtre/Public, n°239, 2020, pp. 90–109.
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  • Nadia Fadil – « De la cité chorale de Platon au Chœur d’Ali Aarrass », Théâtre National, 2019.
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  • RTBF – « Un beau spectacle militant pour dénoncer la torture et les discriminations »
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  • Le Soir – « Cri du Chœur pour Ali Aarrass », 19 avril 2019
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  • Bruzz – « La voix comme fabrique de l’espérance au Théâtre National », 20 avril 2019
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Entretiens avec Julie Jaroszewski (Théâtre National)

  • Partie I – L’identité composite de Farida et Ali Aarrass
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  • Partie II – Entre femmes
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  • Partie III – Tout est politique
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